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Certification SCA, café vert et voyages : ITW avec Ludovic Maillard

Si vous avez déjà effectué une formation SCA chez Lomi, il y a des chances pour que vous connaissiez Ludovic. SCA trainer et acheteur de café vert pour la Maison Jobin, Ludovic Maillard connaît cette graine sur le bout des doigts !

Dans cette interview, il nous parle de ce produit qu’il adore, des différentes certifications qu'il enseigne à ses élèves, et de ses voyages à travers le monde pour trouver LE café qui correspondra à ses clients.

Ludovic, quel est ton parcours professionnel ? Depuis combien de temps as-tu rejoint la SCA ?

Avant 2017, il y avait la SCAE (Specialty Coffee Association of Europe) et la SCAA (Specialty Coffee Association of America. Les deux ont fusionné pour créer la SCA (Specialty Coffee Association). J’étais au board de la SCAE depuis 2012. Le “coffee diploma system” a été créé en 2012, c’est l'ancêtre du “coffee skills programme”. Quand on a fusionné avec la SCAA on a gardé la structure, et le nom a changé.

J’ai été acheteur pour la maison Jobin pendant 20 ans (importateur de café vert). En 2012, j’ai intégré la SCAE en tant que chargé de l’éducation. J’ai donc accompagné un peu le lancement du “coffee diploma system” et notamment sa traduction dans plusieurs langues dont le français. J’ai passé les niveaux pour le café vert afin d’enseigner les modules, car dans le système de la SCAE, nous devons enseigner le module pour lequel nous avons atteint le niveau professionnel. J’ai atteint le niveau professionnel dans le café vert et j’ai donc commencé à l’enseigner en France et en donnant des cours, chez Reuters (fournisseur des marchés à termes : cours de Londres, de NY), et un jour Maribel et Paul Arnephy se sont inscrits à une formation café vert. On a discuté et  quand l’école Lomi s’est créée, ils m'ont proposé d'intervenir sur la partie analyse sensorielle et café vert. C’est le début de notre collaboration, et ça s’est maintenu ainsi. Je suis salarié de la Maison Jobin mais j’interviens ici pour ces deux modules. J’en donne aussi de mon côté au Havre, car nous avons un laboratoire, mais Paris est beaucoup plus accessible.

J’ai été embauché par Raoul Duval, qui était le précédent propriétaire de Maison Jobin, avant que Neumann ne nous rachète. Maintenant, Neumann est le premier Groupe de négociation de café vert au monde. J’ai une maîtrise en commerce international et j’ai fait un stage qui correspondait lors de mes études, donc je suis vite devenu trader en café vert.

Effectivement j’ai fait l’entièreté de ma carrière dans le café !

Peux-tu nous raconter ta première rencontre avec le café de spécialité ?

Chez Jobin, on importe toutes sortes de café, on distribue aux petits, moyens et grands torréfacteurs. C'est-à-dire qu’on vend du café conventionnel, du café commercial et du café de spécialité. Avant de rentrer au sein de la SCAE, je faisais peu de café de spécialité, je ne connaissais pas bien le produit. C’est vraiment à ce moment-là que j’ai découvert le café de spécialité, donc en 2012, j’ai découvert ses facettes, beaucoup appris sur la torréfaction, en tant qu’acheteur j’étais plus au fait de l’origine du café, la partie sourcing, mais je connaissais moins la suite : le travail du barista, les méthodes douces, et le café de spécialité en lui même. Ensuite à l’occasion des compétitions, des championnats, des différentes réunions, j’ai eu mon baptême de café de spécialité.

Qu’est-ce que le café vert ? Qu’apprends-tu aux élèves lors de tes formations café vert ?

Le café vert est tout simplement le produit qui va être torréfié. Tout l’intérêt aussi des modules, c’est d’expliquer comment on passe d’une cerise de café qui pousse sur un arbre au café vert. Le café vert est le café qui a été produit, préparé, usiné, de sorte que les torréfacteurs n'ont plus qu’à le torréfier.

Le module “café vert” que l’on enseigne comprend l’histoire du café : comment le café s’est propagé dans le monde entier, la botanique (différences entre les variétés, l’ensemble des techniques de traitement), le transport et stockage du café, les certifications, et les marchés à terme.

Que sont les options sur les marchés à terme ?

La compréhension des marchés à terme constitue souvent un obstacle à la formation. L’année de création du Coffee Skills Program, on a délivré 800 certificats dans le monde. En 2019, il y a eu 70 000 certificats, ce qui atteste bien de l’intérêt de la formation dans le monde entier et de l'attrait autour des formations SCA.

Le café vert ne représente que 3% des modules, non pas car ce n’est pas intéressant. Pour être torréfacteur, il faut comprendre le café vert, pour devenir barista, il faut comprendre le café vert, pour faire des méthodes douces, idem. 

Ces modules sont rares simplement car il n’y a pas assez de formateurs. L’une des raisons pour lesquelles il n’y a pas de formateur, c’est justement à cause de cette partie “marché à terme”, qui aborde des notions relativement complexes. On essaye de le démystifier, de le vulgariser et de le simplifier. De mon côté, j’ai la chance d’avoir baigné dedans avec mes études mais pour beaucoup de gens, c’est compliqué. On parle de chiffres, de choses qui sont un peu déconnectées du café de spécialité, mais c’est important car la plupart des prix du café dépendent après tout des bourses de Londres et de New York.

Pour faire simple, les options sont une sorte de contrat d’assurance : au lieu d’acheter un lot on va acheter le droit d’acheter. Si le marché monte, on va exercer l’option parce que c’est intéressant pour nous. En revanche, si le marché descend nous ne l'exerçons pas et nous n’aurons perdu que le prix de la prime payée.

C’est donc payer une prime pour avoir l’option de l'acheter ou non, ce qui permet aux intervenants dans la chaîne de se protéger.

Quel est le rôle de la Maison Jobin dans la chaîne de valeur du café ?

Chez Jobin, on se considère comme prestataire de services. La maison Jobin doit assurer à ses clients torréfacteurs qu’ils aient les cafés dont ils ont besoin tout au long de l’année, y compris quand ce n’est pas la période. On imagine bien que forcément en fonction des pays, hémisphère nord et hémisphère sud, la saison n’est pas la même. Or, un torréfacteur peut mettre du Brésil, du Colombie, de L’Ethiopie dans son assemblage et il a besoin de ces cafés la tout au long de l’année. Notre rôle est d'acheter ces cafés à l’origine, de les faire venir au Havre et de les livrer à nos clients sur demande. On prépare des cafés pour eux, qu’on livre sans les transformer, on achète du café vert, on conseille et on le vend.

Pour que le café arrive au Havre, on passe par un transitaire maritime qui achemine nos cafés dans les ports sélectionnés.

Au fil des années, as-tu observé une perception différente du café de spécialité ? Constates-tu un attrait plus important au sein de la SCA ?

Complètement. Comme je le disais, je n'ai pas été baigné dedans dès le départ. Mais tout a été concomitant et correspond à une montée en gamme depuis. Lomi, créée en 2010, est un précurseur en France. En 2012, quand je suis entré au board de la SCA, c'était encore le début du café de spécialité, qui a commencé fin des années 1990, début des années 2000 aux Etats-Unis. J'ai clairement senti cette évolution. Au-delà de cela, on voit que des clients traditionnels qui auparavant n'achetaient que du Brésil ou du Vietnam, nous demandent maintenant aussi un Ethiopie Harar, un Kenya AA, des cafés plus fins, qu'ils n'auraient jamais demandés auparavant. Cela se traduit aussi par les acquisitions récentes des spécialistes du Specialty par des gros torréfacteurs, comme Nestlé qui a racheté Blue Bottle. Il y a un intérêt croissant évident. Au sein de la SCA, cela se manifeste par l'attrait croissant pour les championnats, des expositions, des événements. Je forme aussi de plus en plus de gens pour le plaisir, des amateurs qui sont intéressés sans pour autant vouloir travailler dans le café.

Tu voyageais beaucoup à l'origine en tant qu’importateur, est-ce que tu voyages encore avec la SCA ?

Effectivement, je voyage beaucoup plus depuis que je suis formateur (2020 mise à part), mais beaucoup moins à l'origine. Auparavant, j'allais tous les ans au Mexique, en Afrique de l'Ouest, c'est vrai que ça me manque un peu ! Maintenant, je voyage pour former de nouveaux formateurs. Avec la SCA je l'ai fait au Rwanda, en Chine, en Pologne... Aujourd'hui, je sais qu'il y a des formateurs en café vert dans ces pays-là.

As-tu un souvenir à nous partager d'un de tes voyages ?

Oui ! J'ai une anecdote qui n'a rien à voir avec le café. C’est en Ethiopie que j’ai bu mon premier cognac. Mon ancien patron, Patrick Masson, est quelqu'un avec beaucoup de charisme et de présence. Nous faisions un voyage Éthiopie - Ouganda - Kenya, et nous étions arrivés à Harar en Ethiopie. C'est un endroit où il y a principalement des musulmans et l'alcool est rare. On nous sert à table un gros plat qui ressemble à des lasagnes et un jus de mangue, le tout très copieux. Par correction, je me suis efforcé à tout manger, avec de plus en plus de peine... De retour à l'hôtel, je dis à Patrick que je dois aller me coucher, me sentant mal. Il me dit d'aller boire un cognac ! Je lui dis que c'est inenvisageable, vu mon état. Il me traîne au bar de l'hôtel et au bout de quelques cognacs, j'ai digéré mon repas petit à petit... Une belle initiation !

Des ouvrages à recommander pour en apprendre plus sur le café vert ?

La plupart de la littérature existante sur le sujet est en anglais. J'ai une référence en français : Le maître de café d'Olivier Bleys. C'est un roman, très facile à lire grâce à l'histoire, mais qui reflète bien la réalité du contexte caféier.

Il y a bien sûr la Bible qu'est le livre Jobin, qui répertorie toutes les origines et manières de classer le café. Enfin, il y a aussi le livre de Jean Nicolas Wintgens, Coffee : Growing, Processing, Sustainable Production.

Et Ludovic, le café parfait existe-t-il ?

Le café parfait, c'est celui qu'on apprécie. La perfection n'existe pas, c'est aussi l'intérêt d'aller chercher des choses nouvelles et des moyens d'amélioration. Ce qui compte, c'est de se faire plaisir !

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